Voilà la chronique qui aurait pu être postée au J11 pour les éclaireurs :
Assez, j’en ai assez ! Dix jours que je les supporte, je suis à l’agonie. Ils ont asséché mon puits, rendu mes terres stériles mais ils survivent encore ! Leur existence n’est que nuisance, chacun d’entre eux me spoliant un peu plus chaque jour.
Ce n’est pourtant pas la première fois que j’accueille des vivants en mes murs, nombreux sont ceux qui par le passé ont trouvé refuge ici. Aucun n’avait jusque là réussi à menacer mon fragile équilibre. Habituellement, les voyageurs repartent, ils recherchent des contrées plus hospitalières. Les porteurs de cape n’agissent pas de même. Ils ont l’air bien décidé à m’en faire baver ! Je ne m’avoue pas vaincu pour autant, j’ai encore quelques atouts dans la manche.
Quelques jours auparavant, j’avais changé l’une des leurs en bête. J’avais de grands projets pour elle, j’espérais qu’elle accomplisse un véritable carnage. Il n’en fut rien. Après s’être nourrie d’un toxicomane notoire, elle s’est sacrifiée pour aller découvrir des zones éloignées. La mélancolie s’est emparée de moi et suite à ce cuisant échec, je suis devenu léthargique.
Ensuite, m’est venue une idée. La bête devait être encore trop humaine pour céder totalement à ses instincts primitifs. Qu’à cela ne tienne, je sais où résident les véritables bêtes, je peux les attirer ici ! Durant la nuit, un vent s’est levé en ville. Par chance, ils étaient assoupis, ils n’ont pas assisté à cet étrange phénomène. Le vent s’est engouffré sous les portes de chaque masure, s’imprégnant de l’odeur de chacun d’entre eux. Le vent a quitté mes murs pour infiltrer les narines de ceux qui ne vivent plus.
Désormais, ils sont chaque soir un peu plus nombreux à venir malmener mes portes. Ils grattent et grognent, frustrés qu’ils sont de ne pouvoir pénétrer dans ce garde-manger. Maintenant qu’ils ont trouvé le chemin, ils reviendront chaque soir. Leurs troupes grossiront et ils finiront par obtenir la victoire. J’en suis convaincu, la fin de mes tourments ne saurait tarder.
Bien que ma tentative précédente ait été vaine, j’ai à nouveau changé l’un des leurs en bête ignoble. Durant toute une nuit, des images de corps goulument démembrés sont venus alimenter ses rêves. Au petit matin, la bête a vomi, elle n’est pas encore prête. Elle a révélé son état à tous et ils lui ont laissé la vie sauve, les naïfs ! La bête les accompagne quand ils partent à la recherche de mes trésors enfouis dans le sable. Ne remarquent-ils pas cette lueur carnassière au fond de ses yeux ? Ne voient-ils pas ce filet de bave qui coule entre ses dents quand son regard s’attarde sur eux ? Ils ont été rassurés quand elle a pris un cadavre en banque. Ils pensent qu’ils ne craignent rien.
Assez, j’en ai assez et je vais leur montrer ce qu’il en coûte à ceux qui viennent perturber mes nuits ! Ils ont troublé ma quiétude. Mon enceinte sera leur tombe, et leurs capes, leurs draps mortuaires. Bientôt, le silence règnera à nouveau.